Question : Même après un pardon et une réconciliation, est-il parfois sain de mettre des limites à une relation qui a apporté beaucoup de blessures dans le passé ?
Réponse : Cette question pourtant très importante contient deux ambiguïtés qu’il est nécessaire de mettre en lumière. La première répond à la question suivante : de quel type de relation parlons-nous ici ? S’agit-il d’une fréquentation, d’une amitié ou d’un mariage ? On peut mettre fin rapidement à une fréquentation ou une amitié, mais un mariage, c’est une autre affaire. La deuxième ambiguïté concerne la notion de limite. Encore une fois, que voulons-nous dire par limites ?
Commençons par la notion de limite. Une limite est une ligne imaginaire ou non de démarcation qui sert à séparer un terrain, un territoire, d’un terrain, d’un territoire contigu ou voisin. Au sens figuré, une limite est une pensée, un sentiment, une action qui ne peut ou ne doit pas être dépassé. Toutes les relations transportent en elles-mêmes des limites qu’on pourrait aussi appeler des interdictions. Un mariage se limite à deux personnes de sexes opposés. Une saine amitié exige les limites du respect et de la confiance. Entre enfants de Dieu, la Bible nous introduit à des cadres relationnels qui ont pour but d’édifier les relations entre chrétien(ne)s. Par exemple, la description de l’amour dans 1 Corinthiens 13.4-7 est pour ainsi dire le lieu délimité de l’expression de l’amour dans l’Église de Dieu.
En ce qui concerne les relations blessantes, il est évident qu’il faut imposer des limites à toute relation (fréquentation ou mariage) impliquant la violence physique. Une personne ne doit jamais accepter de se faire battre par une autre personne. Cela est contraire à l’intention de Dieu pour l’épanouissement des relations. Les limites sont donc nécessaires (envers les contrôleurs, les abuseurs, les violents, etc.).
Parler de l’imposition de limites en raison des blessures du passé est une sorte de couteau à deux tranchants. D’une part, les limites imposées peuvent être le fruit des mécanismes d’autodéfense du ou de la blessé(e). Dans ce cas, c’est l’autoprotection qui domine et qui empêche (pas toujours) la personne de faire face à ses blessures, croyant les enfouir pour en éviter la douleur. Dès que ce processus est enclenché, un régime de peur s’installe. D’autre part, après avoir suffisamment guéri les blessures du passé, une personne peut imposer des limites qui empêchent l’autre de pratiquer les mêmes comportements envers elle ou lui. Les bris de confiance sont difficiles à surmonter. Toutefois, il est possible de fixer des limites au niveau du langage, des gestes, du temps passé ensemble, tout en exigeant le respect, la vérité et l’authenticité dans la relation. En acceptant les limites, celui ou celle qui a commis l’abus de confiance démontre son bon vouloir en initiant une tentative de reconstruire la relation. Toutefois, cela demande du temps, du respect envers la personne blessée.
En effet, il est parfois sain de mettre des limites à une relation qui a apporté beaucoup de blessures dans le passé. Dans le cas d’un mariage blessé, voici une démarche à suivre qui me paraît saine :
- Choisir de consulter.
- S’il y a eu adultère, le pardon, la transparence et l’honnêteté sont très importants.
- Prendre le temps de vraiment sonder la signification de nos émotions personnelles. Elles sont révélatrices de l’intensité de la blessure et de l’importance qu’on y accorde. Il ne faut pas oublier qu’une émotion est « une parole qui se cherche des mots ».
- Ne pas chercher à se cacher. Cela est aussi vrai pour le blesseur que pour le blessé. Dans la souffrance, nos raisonnements tendent à déformer la réalité par le réductionnisme ou l’amplification.
- Garder plus que jamais la foi en un Dieu pour qui l’événement blessant est souvent utilisé pour nous introduire à des vérités qui nous transforment au-delà de tout ce que nous pouvons penser.
Pour les autres relations, chaque relation est un cas particulier. Il faut à tout prix éviter l’imposition de limites qui seraient disproportionnelles à l’événement vécu. C’est pourquoi je recommande de parler des limites que vous désirez imposer avec des personnes de confiance.
Question : Que faire si le nom de haine qui monte en nous, c’est notre propre nom ?
Réponse : Si j’ai bien compris la question, il s’agit de s’haïr soi-même. Pourquoi une personne parvient-elle à se détester ? Voici quelques pistes de réflexion. Une personne qui se hait se pose elle-même comme le juge de sa propre personne. De plus, une personne qui se hait généralement se juge à partir de critères qui proviennent d’autres personnes (les parents, la famille, les amis, les professeurs, etc.). La personne qui se hait elle-même se juge elle-même à partir de critères extérieurs qu’elle croit être vrais. Un exemple qui m’a marqué au fer rouge il y a plusieurs années fut le jour où, à l’âge de 11 ans, j’ai maladroitement accroché quelque chose tout près du comptoir. Il y avait plusieurs adultes dans le magasin et mon père (une personne significative) m’a traité de beau raisin (critère extérieur) devant toutes ces personnes. Je me suis senti profondément humilié. Je suis sorti du magasin en courant, j’ai pris ma bicyclette et je suis parti. Tout en pédalant, j’ai confirmé la parole de mon père que j’étais un beau raisin (j’étais le juge). Dans l’évènement, il y avait les critères extérieurs, le juge (moi) et l’accusé (moi).
Il est important pour celui ou celle qui se hait de se poser les questions suivantes :
- Quels sont les critères à partir desquels je me déclare haïssable ?
- Ces critères sont-ils vrais ou faux ?
- Est-ce à moi d’être le juge de moi-même ?
- Quels sont les événements qui sont à l’origine de ma haine contre moi-même ?
Si j’ai réellement fait quelque chose de mal, je peux faire deux choses : me détester ou me repentir. Si je choisis de me détester, j’adopte les critères du monde et des démons qui ne peuvent que me mener à l’autodestruction. Si j’adopte la vérité que Dieu est un Dieu qui purifie et pardonne, alors j’expérimenterai la paix. Dieu est un juste juge et son jugement est toujours vrai. Si j’ai volé, je suis un voleur et Dieu le sait. Cependant, Dieu est aussi un Dieu de grâce et de miséricorde. Il pardonne même le voleur s’il se repend.
Le grand danger est de rester dans le cercle vicieux de la haine de soi (je m’accuse moi-même et je me sentence moi-même et finalement je passe un jugement de valeur sur moi-même). Je prends ainsi la place de Dieu. Il n’y a pas de plus mauvais juge que soi-même envers soi-même.
Jésus nous a dit : « vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jean 8.32). Je ne suis pas mon propre juge ! Par la foi, je dois me soumettre volontairement à celui qui est le juge par excellence.

Le pasteur Serge Pinard est un des quatre pasteurs associés de l’église Fusion. Passionné des études et de l’enseignement, c’est un homme de foi qui sert le Seigneur avec enthousiasme et persévérance depuis plusieurs décennies. Il est marié à Evelyn depuis plus de quarante ans et ils sont parents de trois enfants adultes.
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